![rw-book-cover](https://images-na.ssl-images-amazon.com/images/I/51b2EWzjTML._SL200_.jpg) ## Highlights - La phase des civilisations s’achève et... l’humanité est en train, pour son bien ou pour son mal, d’accéder à une phase nouvelle », celle, en somme, d’une civilisation capable de s’étendre à l’univers entier. ([Location 518](https://readwise.io/to_kindle?action=open&asin=B07CVMPCTC&location=518)) - Une civilisation « seconde » : comme le christianisme a hérité de l’Empire romain qu’il prolonge, l’Islam se saisira, à ses débuts, du Proche-Orient, l’un des plus vieux, peut-être le plus vieux carrefour d’hommes et de peuples civilisés qui soit au monde. ([Location 1058](https://readwise.io/to_kindle?action=open&asin=B07CVMPCTC&location=1058)) - Dans ce Proche-Orient réticent, en lutte contre la présence grecque, converti au christianisme, agité de troubles religieux continuels, violents, les premières conquêtes arabes (634-642) trouvent des complicités immédiates. ([Location 1110](https://readwise.io/to_kindle?action=open&asin=B07CVMPCTC&location=1110)) - Entre 610-612 (dates problématiques, mais vraisemblables) et 632, date de sa mort, se situe l’œuvre décisive de Mahomet. Sans lui, l’Arabie brisée en tribus et confédérations rivales, ouverte aux influences étrangères, aux efforts coloniaux de la Perse, de l’Éthiopie chrétienne, de la Syrie, de l’Égypte byzantine, n’aurait pas réalisé son unité, et, forte de cette réussite, jeté ses pillards vers les longues frontières du Nord. ([Location 1136](https://readwise.io/to_kindle?action=open&asin=B07CVMPCTC&location=1136)) - Religion révélée, édifiée peu à peu par les versets de ce qui sera le Coran, par les propos et les actes du Prophète, l’Islam (soumission à Dieu) s’affirme d’une simplicité exemplaire. Les « cinq piliers » en sont : l’affirmation d’un seul Dieu, Allah, dont Mahomet est l’envoyé – c’est la chahada ; la prière répétée cinq fois par jour ; le jeûne des 29 ou 30 jours du Ramadan ; l’aumône aux pauvres ; le pèlerinage à La Mecque. Le jihad, la guerre sainte, ne fait pas partie des prescriptions fondamentales, s’il est appelé à jouer bientôt un très grand rôle. ([Location 1177](https://readwise.io/to_kindle?action=open&asin=B07CVMPCTC&location=1177)) - Civilisation » et « cultures » dans le monde islamique : le rôle des tribus arabes attire l’attention sur la façon dont l’Islam, cette civilisation qui sera bientôt si raffinée, a appuyé successivement presque toutes ses réussites sur les forces vives de « cultures » batailleuses, de peuples primitifs qu’il a chaque fois assimilés et « civilisés » rapidement. ([Location 1270](https://readwise.io/to_kindle?action=open&asin=B07CVMPCTC&location=1270)) - Civilisation à court d’hommes, l’Islam a été obligé, hier, d’utiliser les hommes tels qu’il les trouvait à portée de main. Son manque chronique d’hommes était une des formes de sa pauvreté foncière. Aujourd’hui, paradoxalement, il en a trop, nous le verrons : 365 à 400 millions, soit entre le septième et le huitième des vivants, trop, beaucoup trop, étant donné ses ressources. Mais hier, au temps de sa splendeur, l’Islam compte peut-être entre 30 et 50 millions d’hommes au plus, pour une population mondiale de 300 à 500 millions. Et c’est peu, car si la proportion reste la même, très en gros, il est évident que l’Islam a, alors, des tâches beaucoup plus lourdes qu’aujourd’hui, relativement. ([Location 1396](https://readwise.io/to_kindle?action=open&asin=B07CVMPCTC&location=1396)) - Au XIIIe siècle, l’Islam a perdu de toute évidence sa position de leader. Mais la perte très dangereuse de vitesse n’a guère commencé pour lui qu’avec le XVIIIe siècle, c’est-à-dire, à l’échelle lente des civilisations, il y a fort peu de temps. Son destin est celui de beaucoup de nations, dites aujourd’hui sous-développées parce qu’elles ont raté la Révolution industrielle, la première révolution capable de faire progresser le monde à la vitesse fantastique de la machine. De cet insuccès évident, l’Islam n’est pas mort en tant que civilisation. Il a pris seulement sur l’Europe deux siècles de retard matériel, mais quels siècles ! ([Location 1540](https://readwise.io/to_kindle?action=open&asin=B07CVMPCTC&location=1540)) - le mouvement n’a pas précédé le repos, ni le repos le mouvement... Tout mouvement a sa cause dans un mouvement précédent... Dieu n’a pas de raison d’être nouveau ». ([Location 1820](https://readwise.io/to_kindle?action=open&asin=B07CVMPCTC&location=1820)) - Note: - Une « vraie » révolution se fait toujours contre un État moderne (détail essentiel) et du dedans, dans un but d’autoréforme. ([Location 6593](https://readwise.io/to_kindle?action=open&asin=B07CVMPCTC&location=6593)) - Certes, en apparence, après 1815, la Révolution semble réduite au silence. Elle se maintient pourtant dans les cœurs et les consciences, elle subsiste dans ses acquisitions essentielles. La Restauration n’est pas revenue sur les privilèges sociaux abolis (droits féodaux en particulier). Les biens nationaux n’ont pas été restitués aux anciens propriétaires, et même si la distribution n’en a pas été équitable (ils sont très souvent allés aux riches), l’acquis révolutionnaire a été sauvegardé sur ce point, comme l’avait été le principe des droits de l’individu garantis par la Charte de 1814. Quand le gouvernement de Charles X semblera prêt à une nouvelle réaction, ce sera le soulèvement immédiat, et la monarchie de Juillet et le retour au drapeau tricolore. Alors resurgissent largement l’idéologie et le langage révolutionnaires. ([Location 6673](https://readwise.io/to_kindle?action=open&asin=B07CVMPCTC&location=6673)) - Ce qu’évoque alors l’humanisme révolutionnaire, c’est essentiellement la légitimité de la violence au service du droit, de l’égalité, de la justice sociale, de la patrie jalousement aimée, une violence dont le révolutionnaire est ou l’acteur, ou la victime, car « descendre dans la rue », c’est aussi bien pour y tomber, y crier sa dernière protestation que pour vaincre. Mais le courage de la violence – courage de mourir, ou de frapper – ne s’accepte que s’il est le seul moyen de fléchir le destin, de le rendre plus humain, plus fraternel. Bref, la Révolution, c’est la violence au service d’un idéal. La Contre-Révolution jaillit d’un pari analogue. Son tort, vis-à-vis de l’histoire, c’est de regarder en arrière, de tenter de revenir en arrière. Or revenir vers le passé n’est possible que par accroc, pour un instant. À long terme, une action ne peut avoir de poids historique et durer que si elle va dans le sens de l’histoire, que si elle ajoute sa propre vitesse à la sienne, au lieu de tenter vainement de la freiner. ([Location 6689](https://readwise.io/to_kindle?action=open&asin=B07CVMPCTC&location=6689)) - L’histoire des sciences (et de la science), vue d’une certaine hauteur, se présente comme le passage très lent d’une explication générale rationnelle à une autre explication générale, chacune s’affirmant successivement comme une théorie qui rend compte de l’ensemble des explications scientifiques du moment, jusqu’au jour où cette enveloppe se déchire, parce qu’elle est contredite, violemment, par de nouvelles connaissances. Il faut alors en construire une autre, vaille que vaille, et qui sera un nouveau point de départ. Du XIIIe siècle à nos jours, la science occidentale n’a connu que trois explications générales, trois systèmes du monde : celui d’Aristote qui s’introduit dans les interprétations et spéculations d’Occident avec le XIIIe siècle, et qui est un lointain héritage ; celui de Descartes et de Newton, qui fonde la science classique et se présente (mis à part les emprunts décisifs à la pensée d’Archimède) comme une construction originale de l’Occident ; enfin la théorie relativiste, d’Einstein, annoncée dès 1905, qui inaugure la science contemporaine. ([Location 6730](https://readwise.io/to_kindle?action=open&asin=B07CVMPCTC&location=6730)) - Quatre révolutions industrielles classiques, celle de la vapeur, celle de l’électricité, celle du moteur à explosion, celle de l’énergie nucléaire, se succèdent et s’ajoutent les unes aux autres. ([Location 6876](https://readwise.io/to_kindle?action=open&asin=B07CVMPCTC&location=6876)) - C’est l’opinion (formulée en 1952) d’un économiste américain, Walt W. Rostow. Discutable, sans doute, elle clarifie sûrement le débat. a) Le take off. Au point de départ, moment essentiel, se situe le take off, littéralement le « décollage ». Comme l’avion roule, puis quitte sa piste, une économie en essor se détache assez brusquement de cet Ancien Régime industriel qui la collait au sol. Ce décollage se fait d’ordinaire dans un seul secteur, deux au plus : ainsi le coton pour la Grande-Bretagne et la Nouvelle-Angleterre (cas particulier de l’essor « américain ») ; les chemins de fer pour la France, l’Allemagne, le Canada, la Russie, les États-Unis ; le bois de construction et les mines de fer pour la Suède... Toujours ce secteur part en flèche et se modernise vite, sa croissance et la modernité de sa technique le différenciant justement des essors industriels antérieurs qui n’ont jamais connu cette force explosive ni ce mouvement de longue haleine. L’industrie ainsi soulevée augmente sa production, améliore sa technique, organise son marché, puis anime le reste de l’économie. Après quoi, l’industrie clef, moteur initial, se stabilise : elle a atteint son plafond. Les réserves qu’elle a permis d’accumuler se reportent alors sur un secteur voisin, lequel, à son tour, part, se modernise, atteint sa perfection. ([Location 7055](https://readwise.io/to_kindle?action=open&asin=B07CVMPCTC&location=7055)) - b) Ce processus s’étendant de secteur à secteur, l’économie dans son ensemble atteint sa maturité industrielle. En Europe occidentale, après le take off des chemins de fer (c’est-à-dire du fer, du charbon, de l’industrie lourde), c’est l’acier, les constructions navales modernes, la chimie, l’électricité, les machines-outils qui prennent la relève. La Russie a connu, beaucoup plus tard, cette même évolution. En Suède, la pâte à papier, le bois, le fer ont joué les rôles essentiels. En gros, c’est dans les premières années du XXe siècle que ce seuil de la maturité est atteint pour l’ensemble du monde occidental. L’Angleterre qui l’avait franchi dès 1850 se retrouve alors plus ou moins à égalité avec ses partenaires. Du coup, à ces économies bien rodées, relativement équilibrées, qui ont assuré leurs revenus, acquis une certaine abondance, l’expansion industrielle ne s’impose plus comme le but primordial. Dans quelle direction vont-elles porter leur puissance et leurs investissements possibles ? Confrontées à ce choix, car désormais il y a possibilité de choisir, les sociétés industrielles n’y ont pas répondu toutes de la même façon. Leur réponse dessine le sens de leur histoire présente et celui de leur avenir. Or, on le devine, c’est dans leur civilisation même qu’elles ont puisé, consciemment ou non, les motivations de leur choix. c) L’heure du choix. Il s’agit, en fait, de choisir un style de vie, valable pour une société entière. Ou sacrifier à la sécurité, au bien-être, aux loisirs de tous et porter l’effort sur une législation sociale attentive ; ou considérer que ce bien-être ne peut se réaliser qu’au travers d’une large consommation de masse (les biens, les services de luxe étant produits de façon à atteindre la très grande majorité de la nation) ; ou utiliser, enfin, le pouvoir agrandi de la société ou de la nation sur le plan souvent vain, et toujours dangereux, de la politique mondiale, de la puissance. ([Location 7067](https://readwise.io/to_kindle?action=open&asin=B07CVMPCTC&location=7067)) - Au milieu du XIXe siècle, la question de la suppression ou du maintien de l’esclavage provoque la tornade de la guerre de Sécession (1861-1865), mais elle n’est qu’un des aspects de la querelle multiple et fratricide qui sépare et oppose les États du Sud et ceux du Nord. 1) Le Nord est industriel, il est pour les hauts tarifs douaniers ; le Sud, vendeur de coton, préfère acheter les produits manufacturés d’Europe, dont la qualité est supérieure. Il revendique le régime de la porte ouverte. 2) Aspect politique de la querelle : les deux partis, républicain et démocrate, se disputent le pouvoir, les démocrates surtout sudistes, les républicains surtout nordistes. 3) Cette rivalité est d’autant plus âpre qu’elle comporte un enjeu : les nouveaux États qui se créent à l’ouest pencheront-ils vers l’un ou l’autre bloc ? 4) Pratiquement, la crise pose un problème grave : les États particuliers intégrés dans l’Union peuvent-ils, ou non, s’opposer à telles ou telles mesures décidées par le gouvernement central de l’Union ? Ont-ils le droit d’en sortir, de faire sécession ? Tous ces motifs de rivalité se cristallisent dans le désaccord violent des deux adversaires à propos de la suppression de l’esclavage. Le Sud déclenche la guerre (attaque du Fort Sumter, le 12 avril 1861) ; elle se terminera par sa capitulation, le 9 avril 1865, après une guerre civile affreuse. Le 13e amendement à la Constitution du 18 décembre 1865 supprime l’esclavage. ([Location 8838](https://readwise.io/to_kindle?action=open&asin=B07CVMPCTC&location=8838)) - En Afrique du Sud, vieux relais maritime sur la route des Indes, essentiel, hier, pour les voiliers, les Anglais se sont, en 1815, substitués et imposés aux Hollandais, établis depuis plus d’un siècle (1652), comme, en 1763, ils s’étaient imposés aux Canadiens français. Il en est résulté des remous, des tensions vives, un destin dramatique qui culmine, mais ne s’achève pas avec la guerre des Boers (1899-1902). ([Location 9353](https://readwise.io/to_kindle?action=open&asin=B07CVMPCTC&location=9353)) - Le marxisme est le fruit d’une collaboration, pour l’essentiel l’œuvre de Marx (1818-1883) et, pour le secondaire, l’œuvre de Frédéric Engels (1820-1895) qui travailla quarante ans à ses côtés et lui survivra douze ans. ([Location 9921](https://readwise.io/to_kindle?action=open&asin=B07CVMPCTC&location=9921)) - Note: - Cette immense doctrine marque un tournant essentiel de la pensée, de l’action et de l’explication révolutionnaires des XIXe et XXe siècles dans la mesure où elle lie la révolution à la société capitaliste moderne, industrialisée, dont elle découlerait comme un fruit naturel, inévitable. Dans la mesure où elle offre une conception d’ensemble du monde, qui associe fortement l’explication sociale à l’explication économique. La dialectique de Marx (entendez par dialectique la recherche d’une vérité au travers de contradictions) s’inspire de Hegel, tout en s’opposant à sa philosophie. Pour Hegel, l’esprit domine le monde matériel, l’homme est surtout conscience. Pour Marx, il y a, au contraire, prédominance du monde matériel sur l’esprit. « Le système hégélien reposait sur la tête, écrira-t-il, on l’a mis sur ses pieds. » N’empêche que la dialectique de Marx reprend les temps, les expériences successives de la dialectique de Hegel : 1) l’affirmation ; 2) la négation ; 3) La négation de la négation, c’est-à-dire l’affirmation d’une vérité en devenir qui tienne compte des deux premiers temps à la fois et les réconcilie. ([Location 9923](https://readwise.io/to_kindle?action=open&asin=B07CVMPCTC&location=9923)) - Note: - La société occidentale du milieu du XIXe siècle lui paraît souffrir d’une contradiction majeure dont l’analyse dialectique est la base même du marxisme. Résumons brièvement cette analyse. Le travail est, pour l’homme, un moyen de se libérer de la nature, de s’imposer à elle. C’est en travaillant qu’il prend conscience de son essence qui est, travailleur parmi tant d’autres, de faire partie d’une société. Dans la société, qui est travail et libération, il y a à la fois « naturalisme de l’homme » et « humanisme de la nature ». « La société est la consubstantialité de l’homme avec la nature. » Telle est l’affirmation, sur la valeur et le sens du travail humain. Suit la négation : dans la société que Marx a sous les yeux, par un paradoxe extravagant, le travail ne libère pas l’homme, il l’asservit. L’homme est exclu de la propriété des moyens de production (la terre ou l’usine) et des bénéfices de cette production même. Il est obligé de vendre son travail, de l’aliéner au profit d’autrui. La société moderne a fait du travail un moyen d’asservissement. Alors quelle est la négation de la négation, la porte de sortie de cette contradiction ? La société capitaliste qui crée l’aliénation aboutit, quand elle parvient au stade de l’industrialisation, au travail et à la production de masse, donc à la formation d’une classe de plus en plus étendue d’asservis, conscients de leur asservissement, le prolétariat. Celui-ci aggrave automatiquement la lutte des classes, la guerre des classes et introduit ainsi la révolution à brève échéance. Le capitalisme industriel étant le dernier stade d’un vaste processus historique qui a successivement fait passer la société des hommes de l’esclavagisme au féodalisme, puis au capitalisme (marchand, ensuite industriel), le monde du XIXe siècle est arrivé, en même temps qu’à l’industrialisation, au stade de la révolution, de l’abolition de la propriété privée ; demain, du communisme. ([Location 9940](https://readwise.io/to_kindle?action=open&asin=B07CVMPCTC&location=9940)) - Note: ![rw-book-cover](https://images-na.ssl-images-amazon.com/images/I/51b2EWzjTML._SL200_.jpg) ## Highlights - La phase des civilisations s’achève et... l’humanité est en train, pour son bien ou pour son mal, d’accéder à une phase nouvelle », celle, en somme, d’une civilisation capable de s’étendre à l’univers entier. ([Location 518](https://readwise.io/to_kindle?action=open&asin=B07CVMPCTC&location=518)) - Une civilisation « seconde » : comme le christianisme a hérité de l’Empire romain qu’il prolonge, l’Islam se saisira, à ses débuts, du Proche-Orient, l’un des plus vieux, peut-être le plus vieux carrefour d’hommes et de peuples civilisés qui soit au monde. ([Location 1058](https://readwise.io/to_kindle?action=open&asin=B07CVMPCTC&location=1058)) - Dans ce Proche-Orient réticent, en lutte contre la présence grecque, converti au christianisme, agité de troubles religieux continuels, violents, les premières conquêtes arabes (634-642) trouvent des complicités immédiates. ([Location 1110](https://readwise.io/to_kindle?action=open&asin=B07CVMPCTC&location=1110)) - Entre 610-612 (dates problématiques, mais vraisemblables) et 632, date de sa mort, se situe l’œuvre décisive de Mahomet. Sans lui, l’Arabie brisée en tribus et confédérations rivales, ouverte aux influences étrangères, aux efforts coloniaux de la Perse, de l’Éthiopie chrétienne, de la Syrie, de l’Égypte byzantine, n’aurait pas réalisé son unité, et, forte de cette réussite, jeté ses pillards vers les longues frontières du Nord. ([Location 1136](https://readwise.io/to_kindle?action=open&asin=B07CVMPCTC&location=1136)) - Religion révélée, édifiée peu à peu par les versets de ce qui sera le Coran, par les propos et les actes du Prophète, l’Islam (soumission à Dieu) s’affirme d’une simplicité exemplaire. Les « cinq piliers » en sont : l’affirmation d’un seul Dieu, Allah, dont Mahomet est l’envoyé – c’est la chahada ; la prière répétée cinq fois par jour ; le jeûne des 29 ou 30 jours du Ramadan ; l’aumône aux pauvres ; le pèlerinage à La Mecque. Le jihad, la guerre sainte, ne fait pas partie des prescriptions fondamentales, s’il est appelé à jouer bientôt un très grand rôle. ([Location 1177](https://readwise.io/to_kindle?action=open&asin=B07CVMPCTC&location=1177)) - Civilisation » et « cultures » dans le monde islamique : le rôle des tribus arabes attire l’attention sur la façon dont l’Islam, cette civilisation qui sera bientôt si raffinée, a appuyé successivement presque toutes ses réussites sur les forces vives de « cultures » batailleuses, de peuples primitifs qu’il a chaque fois assimilés et « civilisés » rapidement. ([Location 1270](https://readwise.io/to_kindle?action=open&asin=B07CVMPCTC&location=1270)) - Civilisation à court d’hommes, l’Islam a été obligé, hier, d’utiliser les hommes tels qu’il les trouvait à portée de main. Son manque chronique d’hommes était une des formes de sa pauvreté foncière. Aujourd’hui, paradoxalement, il en a trop, nous le verrons : 365 à 400 millions, soit entre le septième et le huitième des vivants, trop, beaucoup trop, étant donné ses ressources. Mais hier, au temps de sa splendeur, l’Islam compte peut-être entre 30 et 50 millions d’hommes au plus, pour une population mondiale de 300 à 500 millions. Et c’est peu, car si la proportion reste la même, très en gros, il est évident que l’Islam a, alors, des tâches beaucoup plus lourdes qu’aujourd’hui, relativement. ([Location 1396](https://readwise.io/to_kindle?action=open&asin=B07CVMPCTC&location=1396)) - Au XIIIe siècle, l’Islam a perdu de toute évidence sa position de leader. Mais la perte très dangereuse de vitesse n’a guère commencé pour lui qu’avec le XVIIIe siècle, c’est-à-dire, à l’échelle lente des civilisations, il y a fort peu de temps. Son destin est celui de beaucoup de nations, dites aujourd’hui sous-développées parce qu’elles ont raté la Révolution industrielle, la première révolution capable de faire progresser le monde à la vitesse fantastique de la machine. De cet insuccès évident, l’Islam n’est pas mort en tant que civilisation. Il a pris seulement sur l’Europe deux siècles de retard matériel, mais quels siècles ! ([Location 1540](https://readwise.io/to_kindle?action=open&asin=B07CVMPCTC&location=1540)) - le mouvement n’a pas précédé le repos, ni le repos le mouvement... Tout mouvement a sa cause dans un mouvement précédent... Dieu n’a pas de raison d’être nouveau ». ([Location 1820](https://readwise.io/to_kindle?action=open&asin=B07CVMPCTC&location=1820)) - Note: - Une « vraie » révolution se fait toujours contre un État moderne (détail essentiel) et du dedans, dans un but d’autoréforme. ([Location 6593](https://readwise.io/to_kindle?action=open&asin=B07CVMPCTC&location=6593)) - Certes, en apparence, après 1815, la Révolution semble réduite au silence. Elle se maintient pourtant dans les cœurs et les consciences, elle subsiste dans ses acquisitions essentielles. La Restauration n’est pas revenue sur les privilèges sociaux abolis (droits féodaux en particulier). Les biens nationaux n’ont pas été restitués aux anciens propriétaires, et même si la distribution n’en a pas été équitable (ils sont très souvent allés aux riches), l’acquis révolutionnaire a été sauvegardé sur ce point, comme l’avait été le principe des droits de l’individu garantis par la Charte de 1814. Quand le gouvernement de Charles X semblera prêt à une nouvelle réaction, ce sera le soulèvement immédiat, et la monarchie de Juillet et le retour au drapeau tricolore. Alors resurgissent largement l’idéologie et le langage révolutionnaires. ([Location 6673](https://readwise.io/to_kindle?action=open&asin=B07CVMPCTC&location=6673)) - Ce qu’évoque alors l’humanisme révolutionnaire, c’est essentiellement la légitimité de la violence au service du droit, de l’égalité, de la justice sociale, de la patrie jalousement aimée, une violence dont le révolutionnaire est ou l’acteur, ou la victime, car « descendre dans la rue », c’est aussi bien pour y tomber, y crier sa dernière protestation que pour vaincre. Mais le courage de la violence – courage de mourir, ou de frapper – ne s’accepte que s’il est le seul moyen de fléchir le destin, de le rendre plus humain, plus fraternel. Bref, la Révolution, c’est la violence au service d’un idéal. La Contre-Révolution jaillit d’un pari analogue. Son tort, vis-à-vis de l’histoire, c’est de regarder en arrière, de tenter de revenir en arrière. Or revenir vers le passé n’est possible que par accroc, pour un instant. À long terme, une action ne peut avoir de poids historique et durer que si elle va dans le sens de l’histoire, que si elle ajoute sa propre vitesse à la sienne, au lieu de tenter vainement de la freiner. ([Location 6689](https://readwise.io/to_kindle?action=open&asin=B07CVMPCTC&location=6689)) - L’histoire des sciences (et de la science), vue d’une certaine hauteur, se présente comme le passage très lent d’une explication générale rationnelle à une autre explication générale, chacune s’affirmant successivement comme une théorie qui rend compte de l’ensemble des explications scientifiques du moment, jusqu’au jour où cette enveloppe se déchire, parce qu’elle est contredite, violemment, par de nouvelles connaissances. Il faut alors en construire une autre, vaille que vaille, et qui sera un nouveau point de départ. Du XIIIe siècle à nos jours, la science occidentale n’a connu que trois explications générales, trois systèmes du monde : celui d’Aristote qui s’introduit dans les interprétations et spéculations d’Occident avec le XIIIe siècle, et qui est un lointain héritage ; celui de Descartes et de Newton, qui fonde la science classique et se présente (mis à part les emprunts décisifs à la pensée d’Archimède) comme une construction originale de l’Occident ; enfin la théorie relativiste, d’Einstein, annoncée dès 1905, qui inaugure la science contemporaine. ([Location 6730](https://readwise.io/to_kindle?action=open&asin=B07CVMPCTC&location=6730)) - Quatre révolutions industrielles classiques, celle de la vapeur, celle de l’électricité, celle du moteur à explosion, celle de l’énergie nucléaire, se succèdent et s’ajoutent les unes aux autres. ([Location 6876](https://readwise.io/to_kindle?action=open&asin=B07CVMPCTC&location=6876)) - C’est l’opinion (formulée en 1952) d’un économiste américain, Walt W. Rostow. Discutable, sans doute, elle clarifie sûrement le débat. a) Le take off. Au point de départ, moment essentiel, se situe le take off, littéralement le « décollage ». Comme l’avion roule, puis quitte sa piste, une économie en essor se détache assez brusquement de cet Ancien Régime industriel qui la collait au sol. Ce décollage se fait d’ordinaire dans un seul secteur, deux au plus : ainsi le coton pour la Grande-Bretagne et la Nouvelle-Angleterre (cas particulier de l’essor « américain ») ; les chemins de fer pour la France, l’Allemagne, le Canada, la Russie, les États-Unis ; le bois de construction et les mines de fer pour la Suède... Toujours ce secteur part en flèche et se modernise vite, sa croissance et la modernité de sa technique le différenciant justement des essors industriels antérieurs qui n’ont jamais connu cette force explosive ni ce mouvement de longue haleine. L’industrie ainsi soulevée augmente sa production, améliore sa technique, organise son marché, puis anime le reste de l’économie. Après quoi, l’industrie clef, moteur initial, se stabilise : elle a atteint son plafond. Les réserves qu’elle a permis d’accumuler se reportent alors sur un secteur voisin, lequel, à son tour, part, se modernise, atteint sa perfection. ([Location 7055](https://readwise.io/to_kindle?action=open&asin=B07CVMPCTC&location=7055)) - b) Ce processus s’étendant de secteur à secteur, l’économie dans son ensemble atteint sa maturité industrielle. En Europe occidentale, après le take off des chemins de fer (c’est-à-dire du fer, du charbon, de l’industrie lourde), c’est l’acier, les constructions navales modernes, la chimie, l’électricité, les machines-outils qui prennent la relève. La Russie a connu, beaucoup plus tard, cette même évolution. En Suède, la pâte à papier, le bois, le fer ont joué les rôles essentiels. En gros, c’est dans les premières années du XXe siècle que ce seuil de la maturité est atteint pour l’ensemble du monde occidental. L’Angleterre qui l’avait franchi dès 1850 se retrouve alors plus ou moins à égalité avec ses partenaires. Du coup, à ces économies bien rodées, relativement équilibrées, qui ont assuré leurs revenus, acquis une certaine abondance, l’expansion industrielle ne s’impose plus comme le but primordial. Dans quelle direction vont-elles porter leur puissance et leurs investissements possibles ? Confrontées à ce choix, car désormais il y a possibilité de choisir, les sociétés industrielles n’y ont pas répondu toutes de la même façon. Leur réponse dessine le sens de leur histoire présente et celui de leur avenir. Or, on le devine, c’est dans leur civilisation même qu’elles ont puisé, consciemment ou non, les motivations de leur choix. c) L’heure du choix. Il s’agit, en fait, de choisir un style de vie, valable pour une société entière. Ou sacrifier à la sécurité, au bien-être, aux loisirs de tous et porter l’effort sur une législation sociale attentive ; ou considérer que ce bien-être ne peut se réaliser qu’au travers d’une large consommation de masse (les biens, les services de luxe étant produits de façon à atteindre la très grande majorité de la nation) ; ou utiliser, enfin, le pouvoir agrandi de la société ou de la nation sur le plan souvent vain, et toujours dangereux, de la politique mondiale, de la puissance. ([Location 7067](https://readwise.io/to_kindle?action=open&asin=B07CVMPCTC&location=7067)) - Au milieu du XIXe siècle, la question de la suppression ou du maintien de l’esclavage provoque la tornade de la guerre de Sécession (1861-1865), mais elle n’est qu’un des aspects de la querelle multiple et fratricide qui sépare et oppose les États du Sud et ceux du Nord. 1) Le Nord est industriel, il est pour les hauts tarifs douaniers ; le Sud, vendeur de coton, préfère acheter les produits manufacturés d’Europe, dont la qualité est supérieure. Il revendique le régime de la porte ouverte. 2) Aspect politique de la querelle : les deux partis, républicain et démocrate, se disputent le pouvoir, les démocrates surtout sudistes, les républicains surtout nordistes. 3) Cette rivalité est d’autant plus âpre qu’elle comporte un enjeu : les nouveaux États qui se créent à l’ouest pencheront-ils vers l’un ou l’autre bloc ? 4) Pratiquement, la crise pose un problème grave : les États particuliers intégrés dans l’Union peuvent-ils, ou non, s’opposer à telles ou telles mesures décidées par le gouvernement central de l’Union ? Ont-ils le droit d’en sortir, de faire sécession ? Tous ces motifs de rivalité se cristallisent dans le désaccord violent des deux adversaires à propos de la suppression de l’esclavage. Le Sud déclenche la guerre (attaque du Fort Sumter, le 12 avril 1861) ; elle se terminera par sa capitulation, le 9 avril 1865, après une guerre civile affreuse. Le 13e amendement à la Constitution du 18 décembre 1865 supprime l’esclavage. ([Location 8838](https://readwise.io/to_kindle?action=open&asin=B07CVMPCTC&location=8838)) - En Afrique du Sud, vieux relais maritime sur la route des Indes, essentiel, hier, pour les voiliers, les Anglais se sont, en 1815, substitués et imposés aux Hollandais, établis depuis plus d’un siècle (1652), comme, en 1763, ils s’étaient imposés aux Canadiens français. Il en est résulté des remous, des tensions vives, un destin dramatique qui culmine, mais ne s’achève pas avec la guerre des Boers (1899-1902). ([Location 9353](https://readwise.io/to_kindle?action=open&asin=B07CVMPCTC&location=9353)) - Le marxisme est le fruit d’une collaboration, pour l’essentiel l’œuvre de Marx (1818-1883) et, pour le secondaire, l’œuvre de Frédéric Engels (1820-1895) qui travailla quarante ans à ses côtés et lui survivra douze ans. ([Location 9921](https://readwise.io/to_kindle?action=open&asin=B07CVMPCTC&location=9921)) - Note: - Cette immense doctrine marque un tournant essentiel de la pensée, de l’action et de l’explication révolutionnaires des XIXe et XXe siècles dans la mesure où elle lie la révolution à la société capitaliste moderne, industrialisée, dont elle découlerait comme un fruit naturel, inévitable. Dans la mesure où elle offre une conception d’ensemble du monde, qui associe fortement l’explication sociale à l’explication économique. La dialectique de Marx (entendez par dialectique la recherche d’une vérité au travers de contradictions) s’inspire de Hegel, tout en s’opposant à sa philosophie. Pour Hegel, l’esprit domine le monde matériel, l’homme est surtout conscience. Pour Marx, il y a, au contraire, prédominance du monde matériel sur l’esprit. « Le système hégélien reposait sur la tête, écrira-t-il, on l’a mis sur ses pieds. » N’empêche que la dialectique de Marx reprend les temps, les expériences successives de la dialectique de Hegel : 1) l’affirmation ; 2) la négation ; 3) La négation de la négation, c’est-à-dire l’affirmation d’une vérité en devenir qui tienne compte des deux premiers temps à la fois et les réconcilie. ([Location 9923](https://readwise.io/to_kindle?action=open&asin=B07CVMPCTC&location=9923)) - Note: - La société occidentale du milieu du XIXe siècle lui paraît souffrir d’une contradiction majeure dont l’analyse dialectique est la base même du marxisme. Résumons brièvement cette analyse. Le travail est, pour l’homme, un moyen de se libérer de la nature, de s’imposer à elle. C’est en travaillant qu’il prend conscience de son essence qui est, travailleur parmi tant d’autres, de faire partie d’une société. Dans la société, qui est travail et libération, il y a à la fois « naturalisme de l’homme » et « humanisme de la nature ». « La société est la consubstantialité de l’homme avec la nature. » Telle est l’affirmation, sur la valeur et le sens du travail humain. Suit la négation : dans la société que Marx a sous les yeux, par un paradoxe extravagant, le travail ne libère pas l’homme, il l’asservit. L’homme est exclu de la propriété des moyens de production (la terre ou l’usine) et des bénéfices de cette production même. Il est obligé de vendre son travail, de l’aliéner au profit d’autrui. La société moderne a fait du travail un moyen d’asservissement. Alors quelle est la négation de la négation, la porte de sortie de cette contradiction ? La société capitaliste qui crée l’aliénation aboutit, quand elle parvient au stade de l’industrialisation, au travail et à la production de masse, donc à la formation d’une classe de plus en plus étendue d’asservis, conscients de leur asservissement, le prolétariat. Celui-ci aggrave automatiquement la lutte des classes, la guerre des classes et introduit ainsi la révolution à brève échéance. Le capitalisme industriel étant le dernier stade d’un vaste processus historique qui a successivement fait passer la société des hommes de l’esclavagisme au féodalisme, puis au capitalisme (marchand, ensuite industriel), le monde du XIXe siècle est arrivé, en même temps qu’à l’industrialisation, au stade de la révolution, de l’abolition de la propriété privée ; demain, du communisme. ([Location 9940](https://readwise.io/to_kindle?action=open&asin=B07CVMPCTC&location=9940)) - Note: ![rw-book-cover](https://images-na.ssl-images-amazon.com/images/I/51b2EWzjTML._SL200_.jpg) ## Highlights - La phase des civilisations s’achève et... l’humanité est en train, pour son bien ou pour son mal, d’accéder à une phase nouvelle », celle, en somme, d’une civilisation capable de s’étendre à l’univers entier. ([Location 518](https://readwise.io/to_kindle?action=open&asin=B07CVMPCTC&location=518)) - Une civilisation « seconde » : comme le christianisme a hérité de l’Empire romain qu’il prolonge, l’Islam se saisira, à ses débuts, du Proche-Orient, l’un des plus vieux, peut-être le plus vieux carrefour d’hommes et de peuples civilisés qui soit au monde. ([Location 1058](https://readwise.io/to_kindle?action=open&asin=B07CVMPCTC&location=1058)) - Dans ce Proche-Orient réticent, en lutte contre la présence grecque, converti au christianisme, agité de troubles religieux continuels, violents, les premières conquêtes arabes (634-642) trouvent des complicités immédiates. ([Location 1110](https://readwise.io/to_kindle?action=open&asin=B07CVMPCTC&location=1110)) - Entre 610-612 (dates problématiques, mais vraisemblables) et 632, date de sa mort, se situe l’œuvre décisive de Mahomet. Sans lui, l’Arabie brisée en tribus et confédérations rivales, ouverte aux influences étrangères, aux efforts coloniaux de la Perse, de l’Éthiopie chrétienne, de la Syrie, de l’Égypte byzantine, n’aurait pas réalisé son unité, et, forte de cette réussite, jeté ses pillards vers les longues frontières du Nord. ([Location 1136](https://readwise.io/to_kindle?action=open&asin=B07CVMPCTC&location=1136)) - Religion révélée, édifiée peu à peu par les versets de ce qui sera le Coran, par les propos et les actes du Prophète, l’Islam (soumission à Dieu) s’affirme d’une simplicité exemplaire. Les « cinq piliers » en sont : l’affirmation d’un seul Dieu, Allah, dont Mahomet est l’envoyé – c’est la chahada ; la prière répétée cinq fois par jour ; le jeûne des 29 ou 30 jours du Ramadan ; l’aumône aux pauvres ; le pèlerinage à La Mecque. Le jihad, la guerre sainte, ne fait pas partie des prescriptions fondamentales, s’il est appelé à jouer bientôt un très grand rôle. ([Location 1177](https://readwise.io/to_kindle?action=open&asin=B07CVMPCTC&location=1177)) - Civilisation » et « cultures » dans le monde islamique : le rôle des tribus arabes attire l’attention sur la façon dont l’Islam, cette civilisation qui sera bientôt si raffinée, a appuyé successivement presque toutes ses réussites sur les forces vives de « cultures » batailleuses, de peuples primitifs qu’il a chaque fois assimilés et « civilisés » rapidement. ([Location 1270](https://readwise.io/to_kindle?action=open&asin=B07CVMPCTC&location=1270)) - Civilisation à court d’hommes, l’Islam a été obligé, hier, d’utiliser les hommes tels qu’il les trouvait à portée de main. Son manque chronique d’hommes était une des formes de sa pauvreté foncière. Aujourd’hui, paradoxalement, il en a trop, nous le verrons : 365 à 400 millions, soit entre le septième et le huitième des vivants, trop, beaucoup trop, étant donné ses ressources. Mais hier, au temps de sa splendeur, l’Islam compte peut-être entre 30 et 50 millions d’hommes au plus, pour une population mondiale de 300 à 500 millions. Et c’est peu, car si la proportion reste la même, très en gros, il est évident que l’Islam a, alors, des tâches beaucoup plus lourdes qu’aujourd’hui, relativement. ([Location 1396](https://readwise.io/to_kindle?action=open&asin=B07CVMPCTC&location=1396)) - Au XIIIe siècle, l’Islam a perdu de toute évidence sa position de leader. Mais la perte très dangereuse de vitesse n’a guère commencé pour lui qu’avec le XVIIIe siècle, c’est-à-dire, à l’échelle lente des civilisations, il y a fort peu de temps. Son destin est celui de beaucoup de nations, dites aujourd’hui sous-développées parce qu’elles ont raté la Révolution industrielle, la première révolution capable de faire progresser le monde à la vitesse fantastique de la machine. De cet insuccès évident, l’Islam n’est pas mort en tant que civilisation. Il a pris seulement sur l’Europe deux siècles de retard matériel, mais quels siècles ! ([Location 1540](https://readwise.io/to_kindle?action=open&asin=B07CVMPCTC&location=1540)) - le mouvement n’a pas précédé le repos, ni le repos le mouvement... Tout mouvement a sa cause dans un mouvement précédent... Dieu n’a pas de raison d’être nouveau ». ([Location 1820](https://readwise.io/to_kindle?action=open&asin=B07CVMPCTC&location=1820)) - Note: - Une « vraie » révolution se fait toujours contre un État moderne (détail essentiel) et du dedans, dans un but d’autoréforme. ([Location 6593](https://readwise.io/to_kindle?action=open&asin=B07CVMPCTC&location=6593)) - Certes, en apparence, après 1815, la Révolution semble réduite au silence. Elle se maintient pourtant dans les cœurs et les consciences, elle subsiste dans ses acquisitions essentielles. La Restauration n’est pas revenue sur les privilèges sociaux abolis (droits féodaux en particulier). Les biens nationaux n’ont pas été restitués aux anciens propriétaires, et même si la distribution n’en a pas été équitable (ils sont très souvent allés aux riches), l’acquis révolutionnaire a été sauvegardé sur ce point, comme l’avait été le principe des droits de l’individu garantis par la Charte de 1814. Quand le gouvernement de Charles X semblera prêt à une nouvelle réaction, ce sera le soulèvement immédiat, et la monarchie de Juillet et le retour au drapeau tricolore. Alors resurgissent largement l’idéologie et le langage révolutionnaires. ([Location 6673](https://readwise.io/to_kindle?action=open&asin=B07CVMPCTC&location=6673)) - Ce qu’évoque alors l’humanisme révolutionnaire, c’est essentiellement la légitimité de la violence au service du droit, de l’égalité, de la justice sociale, de la patrie jalousement aimée, une violence dont le révolutionnaire est ou l’acteur, ou la victime, car « descendre dans la rue », c’est aussi bien pour y tomber, y crier sa dernière protestation que pour vaincre. Mais le courage de la violence – courage de mourir, ou de frapper – ne s’accepte que s’il est le seul moyen de fléchir le destin, de le rendre plus humain, plus fraternel. Bref, la Révolution, c’est la violence au service d’un idéal. La Contre-Révolution jaillit d’un pari analogue. Son tort, vis-à-vis de l’histoire, c’est de regarder en arrière, de tenter de revenir en arrière. Or revenir vers le passé n’est possible que par accroc, pour un instant. À long terme, une action ne peut avoir de poids historique et durer que si elle va dans le sens de l’histoire, que si elle ajoute sa propre vitesse à la sienne, au lieu de tenter vainement de la freiner. ([Location 6689](https://readwise.io/to_kindle?action=open&asin=B07CVMPCTC&location=6689)) - L’histoire des sciences (et de la science), vue d’une certaine hauteur, se présente comme le passage très lent d’une explication générale rationnelle à une autre explication générale, chacune s’affirmant successivement comme une théorie qui rend compte de l’ensemble des explications scientifiques du moment, jusqu’au jour où cette enveloppe se déchire, parce qu’elle est contredite, violemment, par de nouvelles connaissances. Il faut alors en construire une autre, vaille que vaille, et qui sera un nouveau point de départ. Du XIIIe siècle à nos jours, la science occidentale n’a connu que trois explications générales, trois systèmes du monde : celui d’Aristote qui s’introduit dans les interprétations et spéculations d’Occident avec le XIIIe siècle, et qui est un lointain héritage ; celui de Descartes et de Newton, qui fonde la science classique et se présente (mis à part les emprunts décisifs à la pensée d’Archimède) comme une construction originale de l’Occident ; enfin la théorie relativiste, d’Einstein, annoncée dès 1905, qui inaugure la science contemporaine. ([Location 6730](https://readwise.io/to_kindle?action=open&asin=B07CVMPCTC&location=6730)) - Quatre révolutions industrielles classiques, celle de la vapeur, celle de l’électricité, celle du moteur à explosion, celle de l’énergie nucléaire, se succèdent et s’ajoutent les unes aux autres. ([Location 6876](https://readwise.io/to_kindle?action=open&asin=B07CVMPCTC&location=6876)) - C’est l’opinion (formulée en 1952) d’un économiste américain, Walt W. Rostow. Discutable, sans doute, elle clarifie sûrement le débat. a) Le take off. Au point de départ, moment essentiel, se situe le take off, littéralement le « décollage ». Comme l’avion roule, puis quitte sa piste, une économie en essor se détache assez brusquement de cet Ancien Régime industriel qui la collait au sol. Ce décollage se fait d’ordinaire dans un seul secteur, deux au plus : ainsi le coton pour la Grande-Bretagne et la Nouvelle-Angleterre (cas particulier de l’essor « américain ») ; les chemins de fer pour la France, l’Allemagne, le Canada, la Russie, les États-Unis ; le bois de construction et les mines de fer pour la Suède... Toujours ce secteur part en flèche et se modernise vite, sa croissance et la modernité de sa technique le différenciant justement des essors industriels antérieurs qui n’ont jamais connu cette force explosive ni ce mouvement de longue haleine. L’industrie ainsi soulevée augmente sa production, améliore sa technique, organise son marché, puis anime le reste de l’économie. Après quoi, l’industrie clef, moteur initial, se stabilise : elle a atteint son plafond. Les réserves qu’elle a permis d’accumuler se reportent alors sur un secteur voisin, lequel, à son tour, part, se modernise, atteint sa perfection. ([Location 7055](https://readwise.io/to_kindle?action=open&asin=B07CVMPCTC&location=7055)) - b) Ce processus s’étendant de secteur à secteur, l’économie dans son ensemble atteint sa maturité industrielle. En Europe occidentale, après le take off des chemins de fer (c’est-à-dire du fer, du charbon, de l’industrie lourde), c’est l’acier, les constructions navales modernes, la chimie, l’électricité, les machines-outils qui prennent la relève. La Russie a connu, beaucoup plus tard, cette même évolution. En Suède, la pâte à papier, le bois, le fer ont joué les rôles essentiels. En gros, c’est dans les premières années du XXe siècle que ce seuil de la maturité est atteint pour l’ensemble du monde occidental. L’Angleterre qui l’avait franchi dès 1850 se retrouve alors plus ou moins à égalité avec ses partenaires. Du coup, à ces économies bien rodées, relativement équilibrées, qui ont assuré leurs revenus, acquis une certaine abondance, l’expansion industrielle ne s’impose plus comme le but primordial. Dans quelle direction vont-elles porter leur puissance et leurs investissements possibles ? Confrontées à ce choix, car désormais il y a possibilité de choisir, les sociétés industrielles n’y ont pas répondu toutes de la même façon. Leur réponse dessine le sens de leur histoire présente et celui de leur avenir. Or, on le devine, c’est dans leur civilisation même qu’elles ont puisé, consciemment ou non, les motivations de leur choix. c) L’heure du choix. Il s’agit, en fait, de choisir un style de vie, valable pour une société entière. Ou sacrifier à la sécurité, au bien-être, aux loisirs de tous et porter l’effort sur une législation sociale attentive ; ou considérer que ce bien-être ne peut se réaliser qu’au travers d’une large consommation de masse (les biens, les services de luxe étant produits de façon à atteindre la très grande majorité de la nation) ; ou utiliser, enfin, le pouvoir agrandi de la société ou de la nation sur le plan souvent vain, et toujours dangereux, de la politique mondiale, de la puissance. ([Location 7067](https://readwise.io/to_kindle?action=open&asin=B07CVMPCTC&location=7067)) - Au milieu du XIXe siècle, la question de la suppression ou du maintien de l’esclavage provoque la tornade de la guerre de Sécession (1861-1865), mais elle n’est qu’un des aspects de la querelle multiple et fratricide qui sépare et oppose les États du Sud et ceux du Nord. 1) Le Nord est industriel, il est pour les hauts tarifs douaniers ; le Sud, vendeur de coton, préfère acheter les produits manufacturés d’Europe, dont la qualité est supérieure. Il revendique le régime de la porte ouverte. 2) Aspect politique de la querelle : les deux partis, républicain et démocrate, se disputent le pouvoir, les démocrates surtout sudistes, les républicains surtout nordistes. 3) Cette rivalité est d’autant plus âpre qu’elle comporte un enjeu : les nouveaux États qui se créent à l’ouest pencheront-ils vers l’un ou l’autre bloc ? 4) Pratiquement, la crise pose un problème grave : les États particuliers intégrés dans l’Union peuvent-ils, ou non, s’opposer à telles ou telles mesures décidées par le gouvernement central de l’Union ? Ont-ils le droit d’en sortir, de faire sécession ? Tous ces motifs de rivalité se cristallisent dans le désaccord violent des deux adversaires à propos de la suppression de l’esclavage. Le Sud déclenche la guerre (attaque du Fort Sumter, le 12 avril 1861) ; elle se terminera par sa capitulation, le 9 avril 1865, après une guerre civile affreuse. Le 13e amendement à la Constitution du 18 décembre 1865 supprime l’esclavage. ([Location 8838](https://readwise.io/to_kindle?action=open&asin=B07CVMPCTC&location=8838)) - En Afrique du Sud, vieux relais maritime sur la route des Indes, essentiel, hier, pour les voiliers, les Anglais se sont, en 1815, substitués et imposés aux Hollandais, établis depuis plus d’un siècle (1652), comme, en 1763, ils s’étaient imposés aux Canadiens français. Il en est résulté des remous, des tensions vives, un destin dramatique qui culmine, mais ne s’achève pas avec la guerre des Boers (1899-1902). ([Location 9353](https://readwise.io/to_kindle?action=open&asin=B07CVMPCTC&location=9353)) - Le marxisme est le fruit d’une collaboration, pour l’essentiel l’œuvre de Marx (1818-1883) et, pour le secondaire, l’œuvre de Frédéric Engels (1820-1895) qui travailla quarante ans à ses côtés et lui survivra douze ans. ([Location 9921](https://readwise.io/to_kindle?action=open&asin=B07CVMPCTC&location=9921)) - Note: - Cette immense doctrine marque un tournant essentiel de la pensée, de l’action et de l’explication révolutionnaires des XIXe et XXe siècles dans la mesure où elle lie la révolution à la société capitaliste moderne, industrialisée, dont elle découlerait comme un fruit naturel, inévitable. Dans la mesure où elle offre une conception d’ensemble du monde, qui associe fortement l’explication sociale à l’explication économique. La dialectique de Marx (entendez par dialectique la recherche d’une vérité au travers de contradictions) s’inspire de Hegel, tout en s’opposant à sa philosophie. Pour Hegel, l’esprit domine le monde matériel, l’homme est surtout conscience. Pour Marx, il y a, au contraire, prédominance du monde matériel sur l’esprit. « Le système hégélien reposait sur la tête, écrira-t-il, on l’a mis sur ses pieds. » N’empêche que la dialectique de Marx reprend les temps, les expériences successives de la dialectique de Hegel : 1) l’affirmation ; 2) la négation ; 3) La négation de la négation, c’est-à-dire l’affirmation d’une vérité en devenir qui tienne compte des deux premiers temps à la fois et les réconcilie. ([Location 9923](https://readwise.io/to_kindle?action=open&asin=B07CVMPCTC&location=9923)) - Note: - La société occidentale du milieu du XIXe siècle lui paraît souffrir d’une contradiction majeure dont l’analyse dialectique est la base même du marxisme. Résumons brièvement cette analyse. Le travail est, pour l’homme, un moyen de se libérer de la nature, de s’imposer à elle. C’est en travaillant qu’il prend conscience de son essence qui est, travailleur parmi tant d’autres, de faire partie d’une société. Dans la société, qui est travail et libération, il y a à la fois « naturalisme de l’homme » et « humanisme de la nature ». « La société est la consubstantialité de l’homme avec la nature. » Telle est l’affirmation, sur la valeur et le sens du travail humain. Suit la négation : dans la société que Marx a sous les yeux, par un paradoxe extravagant, le travail ne libère pas l’homme, il l’asservit. L’homme est exclu de la propriété des moyens de production (la terre ou l’usine) et des bénéfices de cette production même. Il est obligé de vendre son travail, de l’aliéner au profit d’autrui. La société moderne a fait du travail un moyen d’asservissement. Alors quelle est la négation de la négation, la porte de sortie de cette contradiction ? La société capitaliste qui crée l’aliénation aboutit, quand elle parvient au stade de l’industrialisation, au travail et à la production de masse, donc à la formation d’une classe de plus en plus étendue d’asservis, conscients de leur asservissement, le prolétariat. Celui-ci aggrave automatiquement la lutte des classes, la guerre des classes et introduit ainsi la révolution à brève échéance. Le capitalisme industriel étant le dernier stade d’un vaste processus historique qui a successivement fait passer la société des hommes de l’esclavagisme au féodalisme, puis au capitalisme (marchand, ensuite industriel), le monde du XIXe siècle est arrivé, en même temps qu’à l’industrialisation, au stade de la révolution, de l’abolition de la propriété privée ; demain, du communisme. ([Location 9940](https://readwise.io/to_kindle?action=open&asin=B07CVMPCTC&location=9940)) - Note: