# Dissertation Baudelaire SUJET : Baudelaire, dans un projet d’épilogue à l’édition de 1861 des Fleurs du mal, écrit , s’adressant à Paris : « Tu m’as donné ta boue et j’en ai fait de l’or. » En quoi ce vers éclaire-t-il votre lecture du recueil de Baudelaire ? Vous vous appuierez essentiellement sur l’oeuvre de Baudelaire mais aussi sur les textes lus dans le cadre du parcours « Alchimie poétique : la boue et l’or ». # Plan : Nous verrons comment cette formule provocante permet de mieux comprendre l’esthétique baudelairienne. 1. De la notion d’alchimie 1. De l’alchimie à l’alchimie poétique 1. Définition de l’alchimie 1. **L’Alchimie** est une **science culte (qui relève de la magie)** née au **moyen-âge**. Censée permettre entre autres de **transformer un métal sans valeur en or**à l’aide d’une substance appelée **pierre philosophale**. *Par extension, on désigne tout processus proche de la magie qui transforme une matière sans valeur en une matière noble.* 2. Rapport à la poésie 1. Dans le domaine littéraire, le mot **alchimie** peur renvoyer à **l’écriture** elle-même, notamment dans l’écriture poétique qui permet **à partir de simples mots ou de réalités banales voire sales de faire jaillir la beauté pour créer une oeuvre de valeur.** Le thème est occulte chez Baudelaire puisqu’il a fait de **cette opposition**, déjà présente dans le titre de son recueil, **le sujet de plusieurs poèmes** 2. Pour Baudelaire, il s’agit **d’extraire le beauté du mal, de la souffrance, du pêché, grâce au travail poétique sur le langage.** En effet, Baudelaire dit dans etC. 3. « Manier savamment une langue, c’est pratiquer une espèce de sorcellerie évocatoire » (expression employée par Baudelaire dans son article sur Théophile Gautier publié dans la revue *L’Artiste*, 13 mars 1859, et republié en volume dans *L’Art romantique*). Il faudra montrer que le poète devra recourir aux ressources du langage poétique, se faire magicien de la langue (à l’instar de Théophile Gautier dédicataire des *Fleurs du Mal*, que Baudelaire appelle le « parfait magicien ès langue française »), pour faire advenir la beauté. Le poète devra passer maître dans l’art de la suggestion en maniant les connotations des mots, en jouant sur les associations de sens ou de sonorités, sur les rythmes, les images (voir les synésthésies : associations entre les sons, les parfums, les couleurs…). 2. Sa quête vers l’idéal depuis le réel 1. 2a Boue = réalité => sensibilité exacerbée 2. 2b 3. Et il fait cela grâce à plusieurs agents 1. 3a pour introduire 2. Les charmes de la femme 1. Recopier 1b de la fiche 3. Le soleil illuminant la ville 1. Recopier 3 vers de paysage (fiche d’analyse) 2. En quels autres sens le poète peut-il être présenté comme un alchimiste ? 1. La poésie comme tentative de déchiffrement des secrets de la nature (aussi astrologues => paysage) 1. *Montrez qu’au moyen des mots, le poète peut vouloir tenter de dévoiler les mystères de son âme et du monde.* 2. La poésie peut être vécue par certains poètes comme une expérience de déchiffrement, celui du sens véritable du monde, de la réalité au-delà des apparences passagères (cf. les poèmes « Correspondances » ; « La Vie antérieure »). Voir par exemple le quatrain suivant : « La Nature est un temple où de vivants piliers / Laissent parfois sortir de confuses paroles ; / L’homme y passe à travers des forêts de symboles / Qui l’observent avec des regards familiers » (« Correspondances »). Le poète se présente alors comme le déchiffreur des « symboles » de ce « temple » qu’est la « nature », à la manière de l’alchimiste voulant saisir les secrets de la matière. 3. On peut penser sur ce point à la philosophie platonicienne. Le poète peut étudier le monde sensible pour en dévoiler l’architecture invisible. Il comprend parfois « le langage des fleurs et des choses muettes » (cf. les poèmes « Elévation »). Il peut parfois se mettre à la recherche d’un secret, d’une certaine clé qui permettrait la compréhension de la réalité, tout comme l’alchimiste tente de percer les secrets de la nature, et notamment de la matière. 2. La poésie comme langage réservé aux initiés 1. La tradition alchimiste se caractérise surtout par son langage. La transmission des procédés alchimiques, d’abord orale, s’est ensuite appuyée sur des ouvrages réservés aux initiés : leur langage énigmatique et codé en interdisait la compréhension aux personnes qui en ignoraient les fondements. 2. Ainsi, on peut parler de savoir ésotérique, réservé à un cercle restreint d’initiés. Cet ésotérisme, qui rend nécessaire une initiation, est un élément essentiel du projet de Baudelaire, qui souhaite que son livre ne soit apprécié que des lecteurs qui auront les qualités requises pour cela, qui souhaite des lecteurs qui lui ressemblent. 3. je me suis arrêté devant l’épouvantable inutilité d’expliquer quoi que ce soit à qui que ce soit. Ceux qui savent me devinent, et pour ceux qui ne peuvent ou ne veulent pas comprendre, j’amoncellerais sans fruit les explications. 4. Ainsi, dès le poème « Au lecteur », il choisit son lecteur : celui qui reconnaîtra, comme lui, les vices de la nature humaine et saura se reconnaître « frère » du poète dans l’ennui. À ce lecteur se dévoileront les charmes troubles d’une poésie du mal. 5. **Projet de préface des Fleurs du mal (1868)** 3. La différence notable entre le poète et l’alchimiste 1. La quête de l’alchimiste perpétuellement recommencée débouche sur des échecs répétés, la quête du poète-alchimiste semble parfois aboutir lors d’un dévoilement de la nature du monde grâce au pouvoir des mots ou lorsqu’est réussie la transfiguration d’une anecdote commune, d’une réalité banale (boue) en oeuvre d’art parfaitement aboutie (or) comme dans « Le Cygne » 2. Préciser 3. Cependant, pour le poète, l’alchimie est un travail difficile qui parfois échoue : l’aveu de cet échec peut même devenir la matière du poème. L’horreur et la corruption dominent alors le coeur du poète. De nombreux poèmes exposent l’impuissance du poète à créer de l’or à partir de la boue, de son malheur, de la laideur du monde, de ses vices : « L’Ennemi » ; « Obsession » ; « Alchimie de la douleur » ; « L’Horloge ». Dans « Obsession », aucun des éléments du monde sensible - grands bois, océan, nuit ou ténèbres - ne parviennent à consoler le poète. Dans l’Horloge, le poète personnifie le temps, le monstre étouffant que l’homme doit craindre et auquel on ne peut échapper. « L’obscur ennemi qui nous ronge le cœur ». 4. Dans « Alchimie de la douleur », le poète se décrit même comme « le plus triste des alchimistes ». Chaque poème publié dans *Les Fleurs du mal* est alors une victoire, celle de la volonté, de l’imagination, de la poésie, du travail, sur le spleen, l’ennui, le désespoir, la tentation du néant. 5. L’effort de la volonté pour composer une oeuvre d’art est pour Baudelaire la seule voie de salut. La seule véritable réponse au spleen est la création poétique. ::Élargissement ::: Des poèmes échappent-ils à cette clé d’interprétation que représente le dernier vers du « projet d’épilogue » ? Quand Baudelaire dit transformer la boue en or, il fait le travail d’un alchimiste en s’inspirant du réel pour rêver et pour créer un poème le rapprochant de son idéal, ou du moins, le sortant de son spleen le temps d’un instant. Cependant certains poèmes semblent échapper à cette clé. Certains poèmes semblent simplement écrits pour la beauté d’être, et de faire rêver. Alors à la manière de Théophile Gautier et des parnassiens, le travail poétique peut-il simplement exister pour sa beauté ?